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Réflexions sur les paillettes

Vase soliflore chaux chanvre et paillettes minérales détail


Soliflore en chaux chanvre et enduit brut chaux-flocons de mica, 2024, Lore Macé

 

Photo article paillettes
Sculpture Escargot et sa semence magique, coquille d’escargot, plâtre, paillettes, 2009, Lore Macé

 

Dans le cadre de la journée d’étude du 26 Septembre 2024
« Luminosité : des paillettes… effet, forme et expérience usager », un événement labellisé French Design Week organisé par le comité de recherche CLMF (Couleur, lumière, matière, finition en design), j’ai écris un article de réflexion sur ce sujet…

Texte d’appel à communication :

« Une forme ? Une fonction ? Une idéation ? Il est d’usage d’associer la paillette au genre féminin qu’elle soit femme ou fille. Cliché ? Cette matière s’il en est, cette forme s’il en est aussi, cette finition s’il en est encore… fait écho à des imaginaires et des représentations sociales. Mais peut-on limiter son emploi à une catégorie d’usager ? Si la paillette brille, un point lumineux est-il nécessairement une paillette ? Est-elle une couleur ? D’un sujet d’apparence « léger », la journée d’étude se propose de remettre en question les formes caractéristiques du design et les représentations prototypiques privilégiées (RPP) de ces effets formels ainsi que des finitions données aux produits et artefacts. L’apparence n’étant pas toujours ce que l’on pense voir, les sujets de la journée dépasseront le cas de la paillette pour questionner la technique et la société dans ses clichés et représentations en matière de CLMF. »

Étude à propos des paillettes :

Les paillettes, par leur éclat métallique et leur capacité à refléter la lumière, créent des effets visuels captivants. Elles sont souvent fabriquées à partir de matériaux plastiques, recouverts de fines couches métalliques comme l’aluminium, pour produire une gamme de couleurs chatoyantes. La couleur des paillettes, qu’elle soit dorée, argentée, ou multicolore, joue un rôle crucial dans leur impact esthétique. Les surfaces pailletées attirent l’œil, créent un sentiment de mouvement, et peuvent transformer l’apparence d’un objet.

Les paillettes se caractérisent à la fois par leur brillance et à la fois par leur forme. Une paillette est souvent petite et plate : morceau, lamelle, flocon, poudre, écaille « Petit morceau d’une lame d’or, d’argent, de cuivre, ou d’acier » « Terme de botanique. Petites écailles qui, dans plusieurs synanthérées, sont entremêlées, soit avec les fleurs, soit aux bractées qui, par leur réunion, constituent l’involucre de ces mêmes plantes. » « Très petites plaques ou lames comme celles du mica. » (Dictionnaire Littré). En cela, leur surface est polysensorielle (vue et toucher

Les paillettes sont composées de matériaux différents et leur technique de mise en œuvre varie aussi suivant le domaine dans lequel elles sont utilisées. Dans le domaine du textile : Les paillettes sont soit des pastilles de plastiques ou de métal percées pour pouvoir être brodées, mais elles peuvent aussi être floquées. Dans le domaine des cosmétiques on trouve des poudres plus ou moins fines synthétiques ou naturelles ou des strass à coller sur la peau. Dans le domaine du design industriel, les objets sont recouverts de peinture métallisés. On peut aussi trouver du flocage. Dans le domaine du bâtiment ce sont plutôt des paillettes minérales mélangées aux enduits décoratifs comme le mica ou des poudres de marbre.

D’un point de vue sociologique, les paillettes portent une double symbolique. Elles sont souvent associées à la fête, au spectacle et à la culture pop, comme en témoignent leur présence dans les costumes de scène, les décorations de fêtes, et les produits de beauté. Cette association avec le plaisir et l’extravagance peut être vue comme un reflet de la quête humaine d’évasion et de célébration.

Dans les champs du design et du marketing, les paillettes renvoient au faux semblant, au leurre, à l’imitation, à la pacotille, à la culture populaire, à l’enfantin, au féminin en opposition au naturel, à l’essentiel, au véritable et au précieux. De par sa réflexion lumineuse et son scintillement, les paillettes attirent physiologiquement l’œil au même titre que les couleurs fluos, ce qui a offre un intérêt commercial dans la création d’une gamme de produit. L’artiste Suisse Sylvie Fleury critique d’ailleurs la superficialité d’un monde consumériste par des ready-made d’objets fétichisés bien souvent pailletés, irisés, brillants.

Cependant, les paillettes ne sont pas uniquement superficielles. Elles peuvent également véhiculer des messages plus profonds. Par exemple, dans certaines communautés LGBTQ+, les paillettes ont été adoptées comme symbole de fierté et de résistance, transformant ainsi un simple ornement en un acte de revendication identitaire.

Les paillettes, dont la caractéristique est d’être lumineuses semblent aussi faire référence à une cosmologie inatteignable, nous dépassant en référence au céleste : les étoiles, le soleil, la lune, et en référence aux profondeurs terrestre : la rareté et la préciosité d’un minéral ou d’un minerai comme le diamant, ou l’or. Ces fascinations nous détachant de notre condition pourraient être symbolisées par la star dans le monde du cinéma, du showbiz. En se parant de paillettes, nous devenons lumière, immatérielle, exceptionnelle.

L’impact environnemental des paillettes est un sujet de préoccupation croissant. La majorité des paillettes sur le marché sont fabriquées à partir de plastique, un matériau non biodégradable qui contribue à la pollution des océans et à la crise des microplastiques. Les particules de paillettes, en se dégradant, peuvent entrer dans les chaînes alimentaires aquatiques, affectant la faune marine et, par extension, la santé humaine. Une mesure, entrée en vigueur le 17 octobre 2023 qui sera appliquée progressivement vise à interdire une partie de la production des paillettes en plastiques. Selon la Commission européenne, l’interdiction concerne « toutes les particules de polymères synthétiques de moins de 5 millimètres organiques, insolubles et résistants à la dégradation » (Le Monde)

Face à ces enjeux, des alternatives écologiques commencent à émerger. Des entreprises innovent en créant des paillettes presque 100% biodégradables à partir de matériaux naturels comme la cellulose (marque « Si si la paillette ») ou le mica (marque « Aroma Zone »). Ces alternatives, bien que plus coûteuses, offrent une solution prometteuse pour réduire l’impact environnemental tout en conservant les qualités esthétiques des paillettes traditionnelles.

Le coût pose une problématique en design industriel étant donné que les produits pailletés ont plutôt comme cible l’univers de la fête, de l’enfance, de l’évènementiel. On s’adresse plutôt à des produits voués à être bas ou moyenne gamme, produits en grande quantité, parfois jetable, nécessitant donc pour atteindre sa cible des prix attractifs… Problématique pouvant peut-être être résolu par une association designer, ingénieur, commercial.

Est-ce que les changements de matériaux des paillettes ne vont pas modifier l’image des « produits pailletés » et ainsi par des prix plus élevés et des matériaux plus qualitatifs renvoyer les paillettes vers un niveau de gamme plus élevé ?

N’y a-t-il pas aussi une piste à aller chercher vers la transformation de déchets industriels pour la production de paillettes (paillettes festives, confettis, charges pour les enduits décoratifs…) ?

Lore Macé.

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